« Coeur de Feu » de Senait Mehari

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Je viens de terminer ce très beau et dur témoignage de Senait Mehari que je conseille à tout le monde. D’ailleurs, c’est ma petite soeur, Stelly, qui m’a fait découvrir ce livre. J’y ai découvert une partie de l’Afrique que je ne connaissais pas vu que je ne connais que l’Afrique Francophone et plus particulièrement Le Cameroun, pays d’origine de mes parents.

Son parcours pour s’en sortir me touche beaucoup car d’une certaine manière je me sens très proche d’elle. On a pas mal de points communs même si je n’ai pas connu la guerre grâce à Dieu.

Senait Mehari nous plonge dans son passé douloureux.

Elle nous décrit un univers encore méconnu (ou ignoré?) du grand public:

Les enfants soldats filles lors de la guerre d’Érythrée qui voulait son indépendance de l’Ethiopie. Comme elle le dit d’ailleurs, « la guerre crée en Afrique une rare égalité des chances entre les sexes. Les filles y combattent avec les mêmes droits que les garçons ».

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Senait a tout pour ne pas avoir une vie paisible.Sa mère, ayant été abandonnée par son mari et ne voulant pas songer à ce qu’elle ferait de son enfant, l’enferme dans une malle et s’en va, laissant jouer le destin. Au bord de l’agonie, le nourrisson est sauvé par une voisine, la mère est envoyée en prison et Senait se retrouve dans un orphelinat.

Orpheline de parents vivants, elle fait la connaissance de religieuses italiennes, commence à faire la différence entre « avoir des parents » et « orphelins », devient rebelle avant l’heure jusqu’au jour où une femme se présente comme sa mère et l’emmène chez ses grands-parents.
Ce furent les belles années pour la petite Senait. Elle a même droit à un baptême à Jérusalem. Senait d’ailleurs veut dire « (Mont) Sinaï » et « Paix ». Mais la paix n’était pas au rendez-vous. On l’envoie chez son père, un homme violent, rejoindre ses nouvelles soeurs et belle-mère. Les temps sont durs, le père de Senait est même prêt à la tuer d’un coup de machette. Sauvée in extremis par la belle-mère, Senait et ses deux soeurs sont envoyées dans un camp du FLE, Front de Libération de l’Erythrée (qui lutte contre le Front pour la libération érythréenne et les Ethiopiens en même temps).

Ce livre est un long témoignage des conditions de vie, ou de survie, de la plupart des cent vingt mille enfants-soldats au Rwanda, en Angola, au Congo, en Sierra Leone, sans oublier l’Ethiopie et l’Erythrée. La faim, la soif, la peur, l’angoisse… sont les seuls sentiments que ces enfants connaissent dès leur plus tendre enfance. Entre la corvée d’eau, de bois, apprendre à circuler avec une kalachnikov qui souvent fait leur taille, ces enfants doivent aussi survivre au mauvais traitement des adultes (qui souvent n’ont pas plus de vingt ans) et les hyènes et coyotes qui sont à l’affût des cadavres, tous les jours plus nombreux.

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Avec une écriture pudique et des évènements chronologiques, Senait parvient à nous décrire sa vie rocambolesque. Le livre dans sa quasi-totalité traite de son enfance jusqu’à l’âge de 10 ans environ (elle ne connait pas sa date de naissance).
Aujourd’hui, Senait perce dans la chanson, une manière d’évacuer ses démons, et fait une analyse de sa vie et de son cheminement en comparaison avec les enfants soldats restés au pays. Comme elle le dit si bien, en Afrique, on ne parle pas de ses sentiments profonds (j’en sais quelque chose), de ses peurs, de ses peines. Il n’y a pas (suffisamment) de psychologues ou de soutien psychologique. Ça n’existe pas. Comment se débarrasser de ses démons et d’un passé trop difficile à assumer pour certains?
Senait a trouvé son salut dans la musique et l’écriture.

Et les autres?

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